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« Plus je me tais, plus je signe »

françois-xavier théry Publié par François-Xavier Théry – 26 février 2024

Petit éloge du silence dans l’acte de vente

Il y a quelques mois, une (brillante) commerciale dans l’immobilier (nous l’appellerons Judith, elle se reconnaîtra) m’interpela en me disant cela, lors d’une session que j’animais, « plus je me tais, plus je signe » …  ce qui ne manqua pas de provoquer un silence dans notre échange, mais pas n’importe quel silence, sans doute le plus productif qui soit … un silence qui me fit réfléchir, qui me projeta et qui « m’anéantit » par son évidence, sa pertinence, sa force …

Le silence avec les commerciaux, c’est un peu « je t’aime moi non plus », une relation ambiguë et contradictoire. D’un côté, tout le monde est d’accord « conceptuellement » pour affirmer que le silence est une arme de vente à part entière … mais si peu le pratiquent réellement, la plupart ne l’aimant finalement pas, considérant qu’il provoque une gêne dans la relation davantage qu’il ne la facilite …

Essayons de se débarrasser des filtres tout d’abord …

En premier lieu, le filtre caricatural de l’empathie qui supposerait une interaction permanente, de rebondir sans discontinuer … mais diantre, que ressent-on face à un moulin à paroles, que ressent-on face à quelqu’un qui ne laisse aucune respiration, aucun espace à l’autre pour réfléchir, pour laisser sa sensibilité intérieure analyser, pire qui attend le moindre interstice de blanc pour aborder un autre sujet, souvent sans lien … juste l’envie de fuir, au mieux se refermer … bref le contraire d’une posture empathique.

Le filtre ensuite mental d’un silence supposé perturbateur d’une dynamique d’échanges créée avec l’autre, qui casserait le lien et l’interaction … est-ce que finalement cette peur ne masquerait pas un manque de confiance en soi, dans son propos, considérant (à tort) que s’il y a silence, c’est que l’autre n’acquiesce pas immédiatement, ne corrobore pas et qu’il faut donc que j’en rajoute …

Bien au contraire, laisser la place au silence, c’est d’abord démontrer une forme d’autorité.

Une personnalité qui fait autorité dans son domaine d’expertise, c’est quelqu’un qui n’a nullement peur du silence, voire qui est capable de le provoquer … c’est fondamentalement quelqu’un qui est dans l’envie et non le besoin. Dans l’envie de créer un véritable partage … en donnant aussi à l’autre ce sentiment de liberté, liberté d’avoir un point de vue différent … et donc aussi en créant les conditions de ce sentiment de liberté … par le silence, par la richesse du silence.

Enfin, le vrai talent, c’est de savoir créer des silences actifs, des silences productifs, comme cette chère Judith. Observez attentivement la posture, le regard, la congruence de ces commerciaux si rares qui déploient cette compétence. Ils ont cette capacité non seulement à provoquer des silences, naturellement, intuitivement, mais aussi cette capacité par un regard dans les yeux de l’autre, par une gestuelle tout en humilité, par une posture en décontraction (et non en tension) … à inviter l’autre, même si l’autre paraît réservé, à s’exprimer, à parler, voire à « se dévoiler » … et même davantage, à se projeter, le graal du silence productif … bref, à créer, sans rien dire, toutes les conditions pour emporter l’adhésion et « signer ».

Et vous, vous en êtes où sur le silence ?

Par exemple, êtes-vous arrivé à ce stade de la lecture de cet article, ou l’avez-vous interrompu avant ? Et mieux, avez-vous résisté à l’envie de réagir avant d’avoir lu l’intégralité de la contribution ? En d’autres mots, le silence suit la même courbe d’apprentissage que les autres apprentissages : on démarre par la catégorie de ceux qui savent tout sur tout , qui monopolisent la parole, et donc ignorent tout autant le silence … que leur propre incompétence. Si vous êtes au 2ème stade de l’incompétence consciente, alors bravo vous êtes conscient que vous devez travailler à être parfois davantage silencieux. En ce moment, en lisant ces lignes, peut-être apprenez-vous quelques pratiques pour améliorer votre gestion du silence, c’est de la compétence consciente. Et le but ultime dans l’apprentissage, c’est l’automatisme, la mise en pratique spontanée, intuitive, c’est la compétence inconsciente.

Pour terminer ce billet, je ne résiste pas à l’envie de vous laisser méditer sur ce slogan d’une célèbre marque de frite qui occupa quelques années, mon passé professionnel de marketer dans l’agroalimentaire : « c’est ceux qui en parlent le moins qui en mangent le plus ».

Silence … on tourne (ensemble, si vous le souhaitez).


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