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Un ordinateur ne vend pas … Ah bon ?

frédéric vendeuvre Publié par Frédéric Vendeuvre

C’était une croyance très répandue chez les managers commerciaux, il y a 10 ans, c’est-à-dire une éternité. « Ce ne sont pas les ordinateurs qui vendent, ce sont les hommes ! » ai-je entendu très souvent.  Les avis sont aujourd’hui bien sûr beaucoup plus nuancés. La distribution grand public avec le e-commerce a d’abord fait la démonstration implacable de l’efficacité des ventes en lignes et automatisées.

Tardivement le B2B s’est penché sur le sujet. Mais une étude FEVAD [1] annonce le basculement des transactions des entreprises B2B vers le web, l’e-commerce BtoB progresse de 30% par an avec bientôt près de 1 vente sur 4 effectuée en ligne. Aux États-Unis, une étude de Frost et Sullivan annonce dès 2020, un quart des transactions B2B faites en e-commerce. Et ce qu’on sait moins c’est que cela représente déjà le double du e-commerce B2C en valeur. Ce mouvement est donc un mouvement de fond, durant la crise COVID de nombreuses entreprises ont accéléré les investissements dans leurs modèles de ventes en ligne.

Évidemment, si la tendance est nette, la façon d’y parvenir avec succès reste à écrire. Car on ne pourra pas juste dupliquer les recettes BtoC au e-commerce BtoB.

Le client BtoB est plus réfléchi et il a moins de temps à consacrer à ses achats en ligne. Il doit trouver plus rapidement les produits ou référence recherchées, conserver son historique, avoir des reportings spécifiques. Mais il a besoin aussi pour consommer son achat souvent d’un service d’accompagnement, ce qui l’oblige à s’interfacer avec d’autres personnes dans son organisation, sa hiérarchie mais pas uniquement. La décision immédiate est moins spontanée, nécessite une utilisation plus forte du panier d’achat pour y revenir et des interfaces différentes pour le paiement ou l’émission d’un bon de commande, « encadré » par exemple par un compte « maître » centralisant les achats de l’entreprise.

Ce mouvement s’accompagne donc par l’essor de la vente à distance d’une façon générale c’est-à-dire en support de centres de télévente. En B2B, e-commerce et télévente iront surement de pair et vont connaître un très fort développement pour des raisons de facilité d’achat, de maîtrise des coûts mais aussi surement de demande des clients habitués à acheter en ligne. Les solutions technologiques hybrides seront la clé du succès, faire une démonstration en ligne à son client, utiliser et partager un configurateur de prix , aider son client à trouver plus rapidement la bonne référence produit, etc… faciliteront l’essor de ce canal de vente.

Ainsi, le marché B2B se scinde donc en deux, d’un côté la télévente et vente à distance e-commerce, de l’autre la vente complexe aux très grands clients. Au milieu , un « ventre mou » du marché qui va diminuer . Comme dans tout marché concurrentiel, le « moyen » a du mal à exister. Pour les canaux de vente et la force de vente B2B, on assiste au même phénomène. La crise va faire exploser des problèmes latents depuis des années. Ainsi, en 2019 de nombreuses études ( telles que CSO insight)  montraient déjà que près des 2/3 des acheteurs n’avaient pas vraiment envie ou besoin de rencontrer des vendeurs et ¼ absolument aucune envie ou nécessité car considéré comme perte de temps et manque de valeur ajoutée.

  • Si je suis client, soit j’ai un excellent professionnel qui sait m’écouter , me comprendre, m’apprendre des choses nouvelles que j’ignorais et alors je le reçois et/ou j’échange de façon approfondie avec lui. Soit, ce n’est pas le cas et j’achète en ligne ou à distance.
  • Et si je suis fournisseur, soit j’ai des clients importants qui recherchent de la valeur et de l’innovation et qui nécessitent que j’aie une approche commerciale dense, capable de l’aider, alors j’envoie des équipes le rencontrer et/ou échanger de façon approfondie avec lui. Soit j’ai des clients qui recherchent du prix , de la sécurité d’approvisionnement , de la facilité et c’est plus efficace et rentable de traiter à distance.

 
Mais bien sûr ce mouvement profond, vente à distance et e-commerce d’un côté, vente de valeur et key account management de l’autre,  n’est pas aussi binaire, il cache bien d’autres complexités que les organisations commerciales vont devoir apprendre à gérer et organiser.

Population aglomérée pour former un casque Crédit photo © DR

D’abord, les clients stratégiques eux-mêmes ou grands comptes pour ceux qui préfèrent, sont un système, un peu une matière vivante, organique. Tous les interlocuteurs chez le client n’achètent pas la même chose au même moment. Y compris avec le même fournisseur.

Chacun poursuit donc des objectifs et moyens qui peuvent être relativement différents. Et les fournisseurs peuvent aussi chez un même client maintenir des flux de business produits très différents, certains à très forte innovation et complexité stratégique pour leur client, d’autres produits plus concurrencés voire complètement banalisés.

Donc chez un même client, parfois de centres de décision différents mais parfois dans les mêmes centres de décision, je devrai maintenir une relation à distance automatisée ou semi automatisée en même temps qu’une relation de proximité et de haut niveau sur d’autres sujets de discussion.  Autrement dit développer une relation stratégique n’est pas un vaccin qui m’empêche d’être en concurrence prix sur certaines gammes de produits et services par exemple. 

C’est un exercice de « coopétition » le plus souvent qui sera exercé par le client. Pour toutes ces raisons , les entreprises vont devoir revoir leurs processus commerciaux en recherchant les meilleurs mix réduction de coûts commerciaux/augmentation de la performance commerciale , les deux n’étaient pas contradictoires. Après tout pourquoi aller voir un client qui préfère faire une visio ? Pourquoi téléphoner à un client pour lui vendre quelque chose alors qu’on pourrait se parler en visio ? Qu’est ce qui empêche d’avoir une discussion de haut niveau à distance ?

Bibliographie [1] Etude Fevad/DGE réalisée par Next Content et Credoc


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