Répondre aux appels d’offres : Comment savoir si le rédacteur s’appelle Pinocchio

collectif Publié par Collectif

La plupart des entreprises n’aiment pas répondre aux Appels d’Offres.
Cela prend du temps, coûte cher et les chances de succès sont incertaines. De plus, certains Appels d’Offres sont mal rédigés, contiennent des exigences contradictoires, imposent des délais parfois ridicules et ne permettent pas d’accéder aux vrais décideurs…
Mais la plupart du temps, vous n’avez pas le choix, répondre aux Appel d’Offres est indispensable pour votre business.
Chez Halifax Consulting, nous avons régulièrement des clients qui se plaignent que l’Appel d’Offres qu’ils viennent de perdre était « truqué », c’est-à-dire rédigé pour ou par un concurrent ou pour justifier une décision déjà prise. Pour ces entreprises, tout le monde doit être à égalité, c’est le but de l’Appel d’Offres. A partir du moment où ils possèdent les compétences techniques requises, respectent les formalités et que leur prix est acceptable, ils estiment qu’ils auraient dû gagner.
Dans une compétition sportive, chaque concurrent a une chance de gagner. Leur adversaire peut être plus fort, mais les règles du jeu sont les mêmes pour tous. Et chacun est jugé sur la qualité de sa performance. L’entreprise qui remet sa Proposition Commerciale s’attend à la même impartialité. Parfois cela n’est pas le cas, parce que certains acheteurs ne jouent pas le jeu :

  • Appel d’Offres « orienté » : influencé ou rédigé par un concurrent, bien souvent le prestataire déjà en place
  • Appel d’Offres « conseil gratuit » : le client cherche de l’information, il n’a aucune intention d’achat
  • Appel d’Offres « bras de fer » : le client cherche des leviers de négociation avec son prestataire actuel
  • Appel d’Offres « alibi » : le client lance un Appel d’Offres uniquement pour respecter les procédures internes d’achat, le choix du gagnant étant déjà fait

Attention, certains Appels d’Offres sont parfois tellement mal rédigés qu’ils donnent l’impression d’être « truqués ». Ce n’est pourtant pas toujours  le cas, mais en revanche c’est souvent une indication que le projet sera difficile à mener et les relations avec le client tendues. Si vous pouvez vous permettre d’éviter ce type d’Appel d’Offres, ne perdez pas de temps à y répondre. Les directeurs des services Achats reconnaissent eux-mêmes que le travail sur l’expression des besoins est l’une de leurs priorités stratégiques. Exprimer les besoins plus clairement, de manière plus fonctionnelle que technique leur permet en outre d’élargir le potentiel de concurrence et de réduction des coûts (cf. « L’état des achats en 2015 », in La Lettre des Achats, novembre 2014).

Comment identifier un Appel d’Offres « truqué » ?

Il n’y a évidement aucun détecteur de mensonges qui soit infaillible mais certains signes peuvent vous indiquer que l’Appel d’Offres est « truqué ».
Par exemple :

  • Insistance du client pour que vous répondiez, alors que vous connaissez mal ou pas du tout sa société
  • Spécifications, notamment techniques, auxquelles seuls quelques prestataires en place peuvent répondre
  • Délais de réponse très courts
  • Critères d’évaluation inhabituels ou vagues
  • Impossibilité d’échanger avec le client (c’est le cas de certains marchés publics, où la règle veut que les contacts soient limités mais beaucoup plus difficile à justifier dans des entreprises privées)
  • Réponses aux questions posées apportées au dernier moment…

Le problème, c’est que si vous ne tenez compte que de ces signes, tous les Appels d’Offres, tant publics que privés, peuvent sembler « truqués » !
Il se conclue tous les jours des marchés publics irréguliers, le plus souvent par ignorance du Code des Marchés Publics ou imprudence, par exemple en favorisant une société locale pour maintenir l’emploi dans la région, ce qui est contraire au principe d’égalité de traitement des candidats. Mais les condamnations pour favoritisme, voire corruption sont finalement peu nombreuses.
En B2B, on estime que dans 80% des cas, le choix du prestataire se fait dès la phase d’analyse des besoins et d’élaboration de la solution. Les entreprises font elles aussi des choix sur la base d’émotions, et tentent de justifier et de rationaliser ces choix par une démarche rationnelle, l’Appel d’Offres ! Dans la plupart des cas, le process de consultation ne sera lancé que pour légitimer le choix du prestataire déjà sélectionné.
Vous avez en général toutes les chances de perdre ce type d’Appel d’Offres. Mais dans la plupart des cas, vous les perdez pour les mêmes raisons que pour les Appels d’Offres non « truqués » : mauvais dimensionnement du projet, mauvaise compréhension des attentes et des enjeux du client, méconnaissance des concurrents…. Somme toute, en raison d’une intimité client insuffisante.
Pour l’emporter, votre concurrent victorieux a très certainement appliqué une stratégie énoncée par Sun Tzu dans son ouvrage « L’Art de la guerre » : « Les guerriers victorieux gagnent d’abord et partent ensuite en guerre, tandis que les guerriers défaits vont à la guerre puis cherchent à gagner. »

Comment utiliser la période avant l’Appel d’Offres ?

Avant l’Appel d’Offres, tous vos efforts devraient porter sur trois objectifs : créer l’envie chez le client, limiter ou neutraliser la concurrence, et vous préparer pour la réponse.
Votre concurrent a sans aucun doute rencontré plusieurs fois le client avant l’Appel d’Offres. Ce qui lui a permis de mieux comprendre ses besoins et attentes, d’expliquer comment il a aidé d’autres clients dans des contextes semblables, de tester sa solution ou son approche…
Votre concurrent a eu accès aux vrais décideurs, pas seulement aux acheteurs, expliqué qu’un prestataire moins cher ne sera pas capable de délivrer à temps les résultats attendus, et augmentera les risques. Votre concurrent a persuadé le client que lui seul propose la seule solution répondant à ses attentes, enjeux et exigences. Résultat, vous perdez l’affaire, râlez un bon coup et justifiez votre échec en affirmant que l’Appel d’Offres était « truqué » !
D’après Steve W. Martin, expert en « Sales Linguistics », dans 30% des cas le client a déjà choisi le gagnant avant même le début du processus officiel de sélection (« What’s Wrong with Your Sales Training Program », Harvard Business Review). Si vous attendez l’émission de l’Appel d’Offres pour découvrir les besoins et les attentes du client et positionner votre solution, vous avez assez peu de chances de l’emporter. De plus, combien de cahiers des charges sont imprécis, et ne détaillent pas, ou pire n’évoquent même pas, les besoins réels ? Si vous suffisamment d’intimité avec votre client, vous devriez normalement connaître ses motivations. Sinon, n’hésitez pas, posez directement la question.
Démarrer bien avant l’Appel d’Offres est difficile. Vos clients maîtrisent le process : déclenchement de l’achat, planning… Vous ne savez pas de combien de temps vous disposerez (de quelques jours à quelques années parfois). Vous n’avez pas forcément les ressources et le budget nécessaires pour cette phase de « capture management ». Mais ce dont vous avez avant tout besoin, c’est d’une stratégie pour définir si vous pouvez répondre, et comment vous préparer pour gagner les appels d’offres lancés par les grands comptes.
Si vous n’avez pas été en contact avec le client avant l’émission de l’Appel d’Offres, vos chances de succès sont faibles. Vous pouvez faire une candidature de témoignage, mais c’est souvent une perte de temps, de ressources et de budget. De plus, le client risque de se souvenir de vous comme de la société qui n’a rien compris à ses enjeux ! C’est pourquoi de plus en plus d’entreprises refusent de répondre à des Appels d’Offres émis par des clients jamais rencontrés.
Si votre prospect insiste pour que vous répondiez quand même, il y a de fortes chances que ce soit pour vous faire jouer le rôle du « lièvre ». Dans ce cas, expliquez-lui pourquoi le fait de ne pas parfaitement comprendre ses objectifs et ses motivations vous empêche de lui proposer une solution adaptée.

Comment gagner un Appel d’Offres « truqué » ?

Dans la « vraie vie », un grand nombre d’Appels d’Offres peuvent vous sembler « truqués ».
Ce qui est intéressant, c’est que dans bien des cas une bonne partie de vos concurrents va refuser d’y répondre, ce qui limite d’emblée la pression concurrentielle ! Même si votre prospect peut avoir une forte préférence pour l’un de vos concurrents, vous pouvez tenter votre chance à partir du moment où vous lui donnez une raison de changer de prestataire, ou de faire autrement. Tout ce que vous avez à faire est de trouver cette raison, ce qui est bien sûr plus facile à dire qu’à faire !
Différentes approches sont possibles, si vous estimez que les efforts et le coût de la réponse sont inférieurs à la rentabilité de l’opportunité si vous la gagnez.

Prenez des risques

Vous ne pouvez pas gagner en proposant la même chose, même en mieux ou en moins cher, que votre concurrent. Présentez votre offre comme la seule alternative viable.

Faîtes douter le prospect sur la solution

Changez de ton par rapport à vos Propositions Commerciales habituelles. Soyez plus audacieux, semez le doute dans l’esprit du prospect, embarquez le dans votre proposition pour le faire douter et le placer face à un véritable choix.

Faîtes douter le prospect sur le prestataire préféré ou déjà en place

Rappelez-vous que si votre prospect connaît bien le prestataire en place, ou a des préférences pour l’un de vos concurrents, il en connaît aussi leurs limites. Insistez, mais sans les critiquer ouvertement, sur leurs faiblesses, leurs échecs…

Démontrez que le vrai risque, c’est de ne pas changer !

Changer de prestataire est souvent perçu comme un risque par la plupart des acheteurs. Or pour gagner, vous devez prendre des risques ! La difficulté est de démontrer que le client prend un risque plus grand en ne changeant pas de prestataire, de solution, d’approche… C’est sans doute plus facile à faire si votre prospect est dans un environnement en évolution (technologie, clients, concurrence…).

Voilà, j’espère que ces quelques repères vous aideront à prendre la meilleure décision au moment de choisir entre investir du temps ou pas dans la poursuite d’une affaire. Évidement, aucune méthode n’est infaillible car comme disait le grand philosophe Coluche : Il y aura toujours des gens qui connaissent le Droit et d’autres qui connaissent le juge…

Allez, bon business à tous !


  • Logo linkedin