Qu’est-ce qui motive les commerciaux?

Posez la question sur ce qui motive les commerciaux à leur manager et la plupart d’entre eux vous répondront que les bons commerciaux sont avant tout motivés par les primes.
Je dois l’avouer j’ai longtemps été moi aussi assez convaincu par cette vision.
Et puis, un certain nombre de lectures ont fissuré mes convictions.
Ce fut d’abord les ouvrages de Mihaly Csikszentmihalyi avec son concept de flow (Flow: The Psychology of Optimal Experience), puis Pfeffer & Sutton qui dénoncent ce qu’ils appellent les « Faits et Foutaises dans le management
» et enfin Daniel PINK avec son ouvrage récent, La vérite sur ce qui nous motive
, que je vous recommande chaudement.
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Cet ouvrage reprend un nombre considérable de travaux scientifiques avec pour objectif de démontrer que les entreprises feraient bien d’en tenir compte.
Ces propos sont comparables à ceux de Sutton et Csikszentmihalyi mais en plus, Daniel Pink a eu un coup de génie pédagogique en comparant ce qui nous motive aux systèmes d’exploitation des ordinateurs.
En parlant successivement des systèmes Motivation 1.0, puis Motivation 2.0 et enfin Motivation 3.0, PINK clarifie sa thèse à savoir que les entreprises utilisent encore un système 2.0 quand le système interne de la majorité de leurs salariés est passé à la version 3.0.
Aujourd’hui je n’ai pas de certitudes absolues sur ce sujet complexe, mais je vois les choses différemment. Ce post a donc pour objectif de vous faire partager les conclusions proposées par Daniel PINK et de tester vos réactions à ce genre de suggestions.
Réagirez vous en disant : OK, mais cela ne concerne pas les vrais commerciaux ? Ou alors, est-ce que ceci vous poussera à vous demander COMMENT appliquer ces recommandations au management des commerciaux?
N’hésitez pas à développer votre point de vue et vos réactions dans la rubrique commentaires.
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Du système de motivation primitif à la théorie de l’Auto-Détermination

Le système Motivation1.0
Le système Motivation 2.0
Avec les sociétés plus complexes qui se sont ensuite développées un système d’exploitation fondé simplement sur une pulsion biologique devenait inadéquat.
La motivation biologique initiale restait importante – aucun doute à ce sujet mais elle ne suffisait pas à rendre compte de ce que nous étions.
Il y avait un second type de motivation : nous recherchions les récompenses et nous évitions les punitions. C’est ce qui a donné naissance au système que Daniel Pink baptise de Motivation 2.0.
L’exploitation de ce second type de motivation a joué un rôle essentiel dans le progrès économique. L’approche taylorienne, était basée largement sur ce principe ; les ouvriers sont pour ainsi dire des éléments d’une machine compliquée.
Lorsqu’ils accomplissent correctement la tâche voulue au moment opportun, la machine fonctionne bien. Pour obtenir ce résultat, il suffit de récompenser le comportement désiré et de punir le comportement indésirable.
Bien que plus perfectionné et plus ambitieux que Motivation 1.0, Motivation 2.0 n’était tout de même pas très valorisant. Il reflétait l’idée que finalement, nous autres humains ne serions pas fondamentalement différents des chevaux : pour nous faire avancer dans la bonne direction, il suffirait de nous faire miroiter une carotte plus belle ou de brandir un bâton plus gros.
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Les sept défauts fatals de la carotte et du bâton :
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Naturellement, les gens ont besoin de gagner leur vie. Un salaire, un paiement contractuel, quelques avantages et quelques primes sont des gratifications de base.
Quand ces gratifications de base sont inadéquates ou inéquitables, l’individu se préoccupe de l’injustice de sa situation (remarque de votre serviteur : c’est ce que Hersberg, qualifiait de facteur de démotivation, sachant que la non-démotivation, n’est pas de la motivation…).
La prévisibilité de la motivation extrinsèque disparaît alors tout comme le curieux effet de la motivation intrinsèque. Il n’y a pratiquement plus de motivation qui tienne. Cependant, passé ce seuil, la carotte et le bâton peuvent aboutir précisément au contraire de l’objectif projeté. Ce sont les coûts cachés des récompenses.
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On constate que les récompenses extrinsèques peuvent être efficaces pour des tâches algorithmiques, celles qui consistent à appliquer une formule existante pour en obtenir la conclusion logique. (Travail répétitif et standardisé).
En revanche pour des activités dites heuristiques, celles qui font davantage appel au cerveau droit, à la souplesse d’esprit, à l’invention ou à la conceptualisation, les récompenses conditionnelles peuvent avoir un effet dommageable.
Chez les artistes, les scientifiques, les inventeurs, les écoliers et chacun d’entre nous, la motivation intrinsèque, celle qui nous pousse à nous lancer dans une activité parce qu’elle est intéressante, parce qu’elle représente un défi à relever, parce qu’elle absorbe l’esprit est essentielle pour atteindre le haut niveau de créativité.
Au contraire, les incitations conditionnelles qu’on a l’habitude de pratiquer dans la plupart des entreprises et des organisations étouffent souvent de la pensée créative plus qu’elles ne la stimulent.
Alors que l’économie évolue vers des activités plus conceptuelles sollicitant davantage le cerveau droit, il s’agit peut-être là du décalage le plus alarmant entre ce que savent les scientifiques et ce que pratiquent les entreprises. (Question de votre serviteur : selon vous, les activités commerciales sont-elles algorithmiques ou heuristiques ?)
En réalité, selon Pink, ce qui est très périlleux, c’est de mêler des récompenses à des actions qui sont par nature intéressantes, créatives, nobles.
Le problème, quand une récompense extrinsèque devient le seul objectif qui compte, c’est que certains vont choisir le chemin le plus court pour l’atteindre, quitte à s’affranchir de la morale.
Les sept défauts fatals de la carotte et du bâton selon Daniel PINK :
- ils peuvent annihiler la motivation intrinsèque
- ils peuvent réduire la performance
- ils peuvent empêcher la créativité
- ils peuvent décourager une bonne conduite
- ils peuvent inciter à tricher, à simplifier et agir contrairement à la morale
- ils peuvent engendrer une accoutumance
- ils peuvent favoriser un raisonnement à court terme
Le système Motivation3.0
La théorie de l’auto-détermination
La théorie de l’autodétermination (TAD) est fondée sur la notion de besoins humains universels.
Selon cette théorie, nous avons trois besoins psychologiques innés : être compétent, être autonome et entretenir des liens. Quand ces besoins sont satisfaits, nous sommes motivés, productifs et heureux.
La TAD ne s’oppose pas de façon univoque aux récompenses, mais moins elle prédomine, mieux c’est.
C’est lorsque les récompenses servent à motiver qu’elles sont le plus démotivantes.
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Comportements de type « X » ou de type « I »
Daniel PINK précise ensuite que le système d’exploitation Motivation 2.0 était lié à ce que Mc Gregor (contemporain de Maslow) appelait le comportement de type X.
Le comportement de type X se nourrit davantage de désirs extrinsèques que de désirs intrinsèques. Il relève moins de la satisfaction inhérente à une activité et davantage des récompenses externes associées à cette activité.
Le système d’exploitation Motivation 3.0 (basé sur la TAD) est plus adapté aux comportements de type I. Le comportement de type I est davantage déterminé par des désirs intrinsèques que par des désirs extrinsèques.
Il est moins lié aux récompenses externes associées à une activité qu’à la satisfaction inhérente à cette activité. (Si vous relisez l’article de Théo consacré à la génération Y, vous y verrez certainement beaucoup plus de traces de comportements de type I que de comportements de type X)
Bien sûr, personne ne se comporte constamment à 100 % selon le type X ou selon le type I .
Cependant nous présentons des tendances souvent évidentes :
- Chez les personnes du type X, les récompenses extérieures constituent le principal modulateur. Toute satisfaction plus profonde est la bienvenue, mais secondaire.
- Chez les personnes du type I, ce sont la liberté, le défi et l’objet même de l’entreprise qui constituent le principal motivateur.
- Le comportement de type I est acquis et non inné
- Les personnes de type I font presque toujours mieux que les personnes de type X. Les personnes intrinsèquement motivées réussissent généralement mieux que celle qui recherche des récompenses. Ce n’est malheureusement pas toujours vrai à court terme. Une fixation sur des récompenses extrinsèques peut en effet déboucher sur des résultats rapides. Le problème est que cette approche est difficilement durable, et qu’elle n’aide pas à parvenir à la maîtrise des processus, sans laquelle la réussite à long terme est difficile.
- Le comportement de type I est une ressource renouvelable.
- Enfin, le comportement de type I dépend de trois éléments : l’autonomie dans l’activité, la maîtrise de l’activité et l’identification au but poursuivi.
L’auteur anticipe : certains pourront trouver ses idées naïves ou idéalistes, mais la science nous indique le contraire. La science confirme que ce type de comportement est essentiel à l’être humain et qu’aujourd’hui, dans une économie qui évolue rapidement, il est également essentiel à la réussite dans les activités professionnelles, dans la vie privée et dans toute forme d’organisation.
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Les 3 éléments qui favorisent le comportement de type I : Autonomie, Maîtrise et Finalité
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L’autonomie
L’auteur vante les mérites du concept de ROWE (Results-Only Work Environment), c’est-à-dire un environnement de travail dans lequel seuls comptent les résultats et où l’autonomie de chacun est respecté.
Dans un environnement de travail de type ROWE, les horaires n’existent pas.
Les gens se rendent au bureau quand ils en ont envie. Ils n’ont aucune obligation de s’y trouver à une heure donnée, n’y même de s’y rendre. Tout ce qu’on leur demande c’est que le travail soit fait et à chacun de décider comment, à quel moment et où.
En fait, l’auteur affirme : le comportement de type I se généralise quand les gens sont autonomes dans ces 4 domaines :
- Ce qu’ils font
- Quand ils le font
- Comment ils le font
- Avec qui ils le font
Avec motivation 2.0, on supposait qu’en laissant trop de liberté aux salariés ont les inciterait à ne rien faire et que l’autonomie leur éviterait de devoir rendre des comptes.
Motivation 3.0 part d’une hypothèse différente, à savoir que les gens veulent avoir des comptes à rendre et que pour cela il est préférable qu’ils aient le contrôle de leurs tâches, de leur temps, de leurs techniques et du choix de leurs coéquipiers.
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La maîtrise
- Quand ce que les gens doivent faire dépassent leurs capacités, cela engendre de l’anxiété.
- Quand ce qu’ils doivent faire est bien en deçà de ce qu’ils peuvent faire, les gens s’ennuient.
- Quand le bon équilibre est trouvé, les résultats peuvent être enthousiasmants c’est bien le sens du flow.
La finalité
Les personnes les plus profondément motivées -sans parler des plus productives- mettent leurs désirs au service d’une cause qui les dépasse.
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Et vous qu’est ce qui vous motive?
Si vous êtes lecteur régulier de ce blog, vous êtes certainement commercial ou manager commercial.
Alors ?
Est ce que vous êtes d’accord avec Daniel PINK ?
Pensez vous qu’il y a un décalage entre ce qui est fait pour motiver les commerciaux et ce qui devrait être fait ?
Pensez vous que les systèmes de primes (récompenses conditionnelles) pourraient être remplacées par autre chose ? Par quoi ?
Votre système d’exploitation personnel est il plus sensible au système de motivation 2.0 ou 3.0? à la théorie de l’ autodétermination ?
Par quoi ? …
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Allez, bon business à tous !
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