
Négociation internationale et différences culturelles

Quand on pense à la négociation internationale, l’idée qui nous vient tout de suite à l’esprit est de penser aux différences liées à la culture des peuples. Mais se limiter à cela reviendrait à à omettre le rôle de la culture personnelle, du sexe, de l’éducation, des expériences vécues, de l’humeur du moment etc…
Un bon négociateur sera attentif à ces différences sans *non plus en faire sa grille de lecture unique sous peine de grossière erreur. On peut néanmoins identifier quelques critères liés en partie aux aspects culturels et évaluer leur influence sur la manière de négocier. Cela permet de mieux comprendre comment l’autre pense et communique et ainsi éviter des maladresses et incompréhensions. Nous avons recensé 10 domaines :
Gagner pour soi ou gagner ensemble ?
La plupart des formations à la négociation recommandent aujourd’hui de chercher une solution dite « gagnant – gagnant ». Cette approche est culturellement naturelle pour certains peuples et moins pour d’autres. Lorsqu’on pose la question à des négociateurs Japonais, 100% espèrent une solution gagnante pour les deux parties alors seulement 33% des négociateurs Espagnols sont favorables au “win-win”. Il est donc nécessaire d’intégrer ces différences d’objectif dans la préparation de la négociation.
Le style : formel ou informel
Cravate ou pas cravate? La façon de s’habiller , la manière de s’adresser à l’autre, l’utilisation du titre ou l’interaction avec son interlocuteur diffèrent également d’un pays à l’autre. Les Allemands sont plus formels que les Américains. Un Japonais considérera comme irrespectueux d’être appelé par son prénom alors que des cultures plus latines y verront une marque de complicité. Tout cela, encore une fois, ne doit pas amener à la caricature. La sagesse recommande la prudence pour éviter de froisser mais ne doit pas être bloquant et fausser la relation.
La communication : directe ou indirecte ?
Certains peuples développent une communication directe quand d’autres préfèrent tourner autour du pot. La relation parfois difficile entre Français et Anglais peut s’expliquer par cet écart de communication. Par exemple, un Français dira « je suis totalement contre » alors que l’Anglo saxon se risquera à « je ne suis pas sûr d’être d’accord ».
La valeur du oui
Pour les Japonais, il n’est pas concevable de dire « Non ! » frontalement alors qu’un Anglais commencera par un long message « positif » avant d’annoncer ses réticences abritées derrière un « However ». Les Français et encore plus, les ressortissants des pays de l’est, peuvent commencer au contraire sans hésiter leurs phrases par « je ne suis pas d’accord » avant de chercher une solution. Le NON est perçu dans ces pays comme viril et signe de personnalité affirmée. Aussi, la façon de le recevoir doit prendre en compte l’intention. Il est recommandé de se concentrer sur le message qui suit le « However » chez les Anglais par exemple et ne pas prendre pour définitif un refus brutal exprimé par un négociateur Russe ou Polonais.
Le rapport à la hiérarchie
Certaines cultures privilégient la décision individuelle quand d’autres décident collectivement. Les Asiatiques et surtout les Japonais privilégient le consensus et la décision collégiale..Les Américains, eux, peuvent plus facilement donner le pouvoir de décision à un chef suprême. Celui-ci sera néanmoins épaulé par une équipe mais prendra les décisions majeures. Dans les pays occidentaux, on valorise la vision du leader quand les orientaux considèrent qu’une bonne décision doit être le fruit d’un processus d’adhésion collective.
Le nombre de personnes participant directement à la discussion dépendra de ces organisations et du processus de décision. Il n’est pas rare de voir 10 interlocuteurs se présenter pour une négociation en Chine quand 1 seul représentera son entreprise en Europe.
Le rapport au temps
Il est toujours recommandé de savoir gérer son temps dans une négociation. Celui qui ressent le moins la pression du timing est en position de force. Mais au-delà de l’aspect tactique de la gestion du temps, il est intéressant de comprendre si votre interlocuteur a besoin de temps ou au contraire est plus à l’aise avec un rythme soutenu dans les discussions. Certaines cultures valorisent la lenteur quand d’autres valorisent l’optimisation du temps et la productivité. Les Américains sont réputés rapides pour trouver un deal quand les Japonais sont « longs » dans la négociation.
Ce rapport au temps se traduit également dans la perception de la ponctualité. Les Allemands étant ponctuels et les Latins plus « flexibles » par rapport aux horaires.
Emotivité : forte ou faible ?
Montrer ses émotions ou les cacher est affaire d’éducation mais aussi de culture. Les Américains et Les Français laisseront transparaître leurs émotions plus facilement qu’un Anglais ou un Asiatique. Les uns percevant cet « étalage d’émotions » comme indécent pendant que les autres considèreront comme hypocrite, insincère ou« non impliqué » cette pudeur naturelle.
Construction de l’accord : top-down ou Bottom-up
Certains peuples préfèrent traiter des termes généraux d’un accord avant d’entrer dans le détail des points spécifiques. D’autres au contraire construisent leur accord par une succession de compromis point par point. Certains observateurs considèrent que les Français préfèrent démarrer par une « globalisation » des grands principes de l’accord quand les Américains enchaînent « trade-off » et compromis successifs pour arriver à un accord global à la fin. Ils traitent successivement des prix,délais, qualité etc… La somme de ces micro accords constituant l’accord final. Certaines études classent la France, l’Argentine et l’Inde dans les cultures déductives (top down ou global vers détail) et le Japon, Mexique, Usa et Brésil dans les cultures inductives ( bottom-up ou détail vers global).
Contact physique ou non ?
Certaines cultures considèrent le contact physique comme une atteinte à leur intimité. Pour d’autres, c’est une marque de complicité naturelle. En France, on se fait la bise facilement.
Malgré l’internationalisation des contacts et l’habitude prise de se serrer la main, la spontanéité de ce geste reste marquée par ce rapport au contact physique. Les Latins et surtout les Sud-américains ajoutent une accolade chaleureuse tandis que les asiatiques tendent la main avec hésitation en marquant une légère inclination signe de respect. Il n’y a ni excès d’intimité ni de la froideur mais juste le poids d’un héritage.
Prise de risque : forte ou faible?
Certaines cultures sont plus réticentes à prendre des risques que d’autres.
Le modèle Hofsted sur les différences culturelles en donne une illustration. Les Français y apparaissent très différents des autres pays développés, Europe du nord et anglo-saxons mais aussi des autres pays latins.
Le respect du pouvoir en place, des autorités et des inégalités qui en découlent y est nettement plus développé que dans les autres grands pays développés, plus proche du modèle de l’Inde. L’individualisme y est nettement moins présent que dans les autres pays développés. L’indice de masculinité est faible, c’est-à-dire une propension de valeurs communes fortes entre hommes et femmes et moins d’esprit de compétition chez les hommes. Enfin l’ index d’évitement de l’incertitude (capacité à se protéger et éviter les risques) y est parmi les plus élevés de tous les pays de l’étude.
Bibliographie Extrait du livre : “Négocier plus, Négocier mieux”, Editions Dunod
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