Manager des mauvais, c’est quand même plus facile… La suite!

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Le billet le plus lu du grand blog de la vente a récemment dépassé les 10 000 lectures, et évidemment je me devais de me lancer dans la rédaction d’une suite. J’espère qu’elle aura le même succès… Donc pour ceux qui n’ont pas lu le premier, commencez par là, les autres… on y va !

Trois années se sont écoulées

Vos deux fils se sont accrochés! Ce fut facile pour le premier, mais plus dur pour le deuxième.

Toujours est-il que trois ans plus tard vos deux jumeaux viennent à leur tour d’être nommés manager de proximité. Le premier doit sans doute sa promotion à son énergie, ses résultats et l’accompagnement de son manager. Le deuxième doit la sienne à la chance… On lui a demandé de remplacer au pied levé son « manager » celui-ci ayant décidé de quitter l’entreprise pour suivre sa compagne nommée dans une autre région.

Quelques mois après leurs prises de postes, vous décidez de prendre des nouvelles professionnelles de vos fils.  Vous avez bien noté que le premier, comme d’habitude semble rayonnant. Le deuxième au contraire, est aussi déprimé qu’il y a trois ans… Que se passe-t-il? Pourquoi diable y  a-t-il encore une telle différence d’appréciation, d’entrain et  de joie entre les deux?

Vous reprenez donc votre enquête en invitant successivement vos deux fils à venir passer un WE à la Campagne. Votre objectif est clair: les faire parler et découvrir les fondements de l’épanouissement de l’un et de la déprime de l’autre.

Un manager doit rester manager !

Lucky manager

Commençons par quelques extraits du dialogue avec votre premier fils, celui qui semble très heureux dans son job.

Vous: Alors, raconte. J’ai l’impression que tu t’éclates dans ton nouveau job. Pourtant le management, en ce moment ce n’est pas toujours facile.
Lui: C’est vrai, il y a parfois des difficultés. Il y en a même tous les jours. Mais c’est justement mon job de les gérer, et quand ça me dépasse un peu, ou quand c’est une situation totalement nouvelle, j’ai quand même un boss qui peut m’aider.
Vous: Quoi? Tu as encore besoin d’un manager? (là votre côté provocateur vous emporte un peu…)
Lui: Mais on a toujours besoin de son boss, quel que soit le niveau. En tous cas, moi j’en ai un nouveau et je vois bien la valeur ajoutée qu’il m’apporte.
Vous: Ah ben ça, ça m’intéresse. C’est quoi la valeur ajoutée d’un manager de manager?

Lui: C’est difficile comme question. Comme tout va bien, je ne me l’a suis pas posée.
Vous: Bon alors, donne-moi 10 bonnes pratiques que tu as observées dans son management vis à vis de toi.
Lui: Ok, ça c’est plus simple:

  1. Il m’a aidé dans ma prise de fonction pour éviter les pièges et pour respecter les fondamentaux
  2. Son comportement avec moi est cohérent avec ce qu’il attend que je fasse avec mes propres troupes
  3. Il a clairement défini jusqu’où vont mes responsabilités et quand je dois vraiment faire appel à lui. En d’autres termes il définit précisément ce qui est attendu de moi, quel est mon cœur de métier.
  4. Il fait vivre un bel esprit d’équipe entre tous les managers qu’il encadre.
  5. Il me fait progresser régulièrement (en clair il sait que mon envie de développer mes compétences ne s’est pas interrompue le jour de ma nomination au poste de manager !)
  6. Il ne me court-circuite jamais vis à vis de mes équipes et au contraire rappelle régulièrement à tous qu’il est solidaire de mes décisions (même si j’ai quand même intérêt à ne pas faire n’importe quoi).
  7. Il sait me faire accepter les demandes de la direction générale qui me paraissent souvent contradictoires, parfois irréalistes en définissant avec moi les moyens les plus adaptés
  8. Il me recentre régulièrement sur mon cœur de métier pour éviter que je me disperse
  9. Il m’aide à bien comprendre les évolutions majeures de notre business et à bien communiquer auprès de mon équipe les enjeux prioritaires
  10. Il me rappelle régulièrement que le manager superman n’existe pas, et qu’il y a des situations ou des cas particuliers de management  qui n’ont parfois pas de solution. Dans ce cas inutile de se mettre la rate au court bouillon ! Au contraire, il m’incite à me concentrer sur ma zone d’influence, celle où mes actions peuvent vraiment faire bouger les choses.

Vous: Eh bien. C’est l’avalanche ! …
Lui: J’en ai surement plein d’autres. Mais c’est vrai que c’est déjà pas mal.
Vous: Mais finalement, si tu devais résumer, qu’est-ce que tu dirais de ton propre manager ?
Lui: C’est finalement assez simple. Si j’évolue à mon tour dans cette direction, j’essaierai de continuer à mettre en pratique les principes que j’applique aujourd’hui à mon échelle. En fait, j’essaierai de me souvenir qu’un manager de manager reste un manager! (et qu’un manager a  aussi besoin de son manager)

Un manager est payé pour gérer les problèmes, pas pour m’en créer!

Quelques tasses de thé plus tard, vous vous rapprochez de votre deuxième fils (le déprimé), histoire de procéder à la même enquête.

Vous: Alors, raconte. J’ai l’impression que tu ne t’éclates pas trop dans ton nouveau job. Qu’est-ce qui se passe ?

Lui: Qu’est-ce qui se passe? Rien de spécial si ce n’est que je n’ai jamais été aussi stressé que depuis que j’ai été nommé manager. Je regrette vraiment d’avoir accepté. C’est un enfer!

Vous: Dis donc, tu n’exagères pas un peu?

Lui: Pas du tout. J’ai l’impression que je suis cerné. Tous les jours j’ai une tonne de trucs à régler, personne pour m’aider, et des reproches qui viennent de tous les côtés.

Vous: Mais tu as bien un manager? Il ne t’aide pas un peu?

Lui: Tu veux rire. Quand je lui demande un coup de mains, sa grande phrase c’est :  Un manager est payé pour gérer les problèmes, pas pour m’en créer!

Vous: Bon je vois, mais ça c’est peut être juste une expression.

Lui: Non pas du tout. Il rajoute souvent: Le management c’est chromosomique.  Ça te passe l’envie d’aller le voir deux fois!

Vous: Bon, je sens que c’est passionnel, je suis sûr que tu exagères. Je te propose l’exercice suivant : Donne-moi 10 exemples concrets de mauvaises pratiques qui pourraient justifier ton sentiment:

Lui: Ok, ça c’est très simple:

  1. Quand je lui ai demandé de définir ce qui selon lui est mon cœur de métier,  non seulement il a été incapable de le faire, mais il a cherché à sauver la face en me disant que si j’en étais à me poser ce genre de questions, « c’était pas gagné! » (effectivement je ne lui fais pas dire…).
  2. C’est le champion du monde du flou artistique. Pas de règles du jeu, pas d’objectifs précis mis à part  « faire le maximum » de chiffre à la fin du mois.
  3. C’est un expert du coaching décalé: Le coaching décalé c’est le fait de  me suivre très précisément (et de me donner des conseils) sur des tâches que je maîtrise parfaitement, et au contraire jouer à Fantômas sur les missions pour lesquelles j’aimerais bien un coup de main.
  4. Je ne me suis jamais senti aussi seul. Au moins avant, je faisais partie d’une équipe. Là, c’est plutôt la guerre inter équipe qu’il entretient en espérant que ça renforcera nos énergies.
  5. J’apprends régulièrement qu’il est intervenu en direct auprès de tel ou tel de mes collaborateurs. Ça c’est génial. Se sentir transparent vis à vis de son équipe, ça aide…
  6. Ses visites sont autant de sources de stress supplémentaires. J’ai l’impression qu’il se fait un malin plaisir à venir régulièrement déverser sur mon bureau tout le stress qu’il vient de recevoir lors du dernier comité de direction. (sans oublier, une fois que mon moral est au plus bas,  de me rappeler de soigner l’ambiance au sein de mon équipe)
  7. Je reçois de sa part un nombre incalculable de mail qui deux fois sur trois sont des sources de dispersions qui m’éloignent de mes tâches prioritaires. Donc en clair c’est : « Fait ce que je te dis de faire aujourd’hui, il sera bien temps demain de te reprocher ce que tu n’auras pas fait sur ce que je t’ai demandé hier »‘
  8. On pourrait aussi l’appeler Monsieur Statu Quo! A chaque fois que je lui propose quelque chose de nouveau ses réponses, tels des réflexes pavloviens sont : « intéressant mais sans doute un peu tôt« , « on n’est pas sûr que ça va marcher« , « personne ne l’a jamais fait« . Bref un apôtre de la sécurité, qui n’a pas compris que dans un monde qui change tous les jours, jouer sans arrêt la sécurité, c’est la stratégie la plus risquée...
  9. Dans le même ordre d’idées c’est aussi un fervent supporter de l’alignement comportemental ! Pas une tête qui dépasse. Par exemple, quand je lui ai demandé ce que je pouvais faire de particulier pour un de mes commerciaux qui sortaient vraiment du lot, sa réponse a été claire : pas de traitement faveur, sinon le reste de l’équipe va vous demander la même chose. Comme ça c’est super. On traite les meilleurs comme les moins bons, et moi je dois faire les résultats avec ceux qui restent. (inutile de te dire qu’en ce moment, les meilleurs ils ne se posent pas très longtemps la question de rester…)
  10. Enfin, quand je lui demande de m’expliquer une décision que je ne comprends pas (qu’elle vienne de lui ou de la Direction Générale), sa réponse classique consiste à tendre sa main vers moi, les 5 doigts bien écartés en prononçant sa blague favorite: C’est la règle des 5C (c’est con mais c’est comme ça).  Au début,  ça faire rire… Ensuite, moins.

Vous: Eh bien. C’est l’avalanche! …
Lui: J’en ai sûrement plein d’autres. Mais c’est vrai que c’est déjà pas mal.
Vous: Mais finalement, si tu devais résumer, qu’est-ce que tu dirais de ton propre manager?
Lui Finalement je le plains autant que je le crains. En effet, je suis sûr qu’au fond ce n’est pas un mauvais bougre. Je crois surtout qu’il est un peu perdu face aux injonctions de la Direction Générale.  Mais surtout, j’ai l’impression que comme lui-même n’est pas managé, donc il reproduit avec moi ce qu’il subit. Certains managers de l’organisation ont la force de caractère pour résister à cette tendance, pas lui.

La maladie d’Alzheimer Managériale

Le Week End s’achève et vous y voyez maintenant plus clair sur les situations vécues pas vos deux fils.

Votre capacité d’écoute et de diagnostic ont encore fait des merveilles. Alors, vous essayez de synthétiser tout ce que vous avez entendu.

D’abord vous vous dites que le facteur chance est important. Manifestement un de vos fils a tiré le bon numéro en tombant sur un manager de managers épatant. L’autre a eu la malchance d’être coaché par quelqu’un qui n’arrive pas à prendre le recul nécessaire par rapport au jeu de contraintes d’une entreprise.

Puis, votre formation médicale vous amène à faire un parallèle… Finalement, vous vous dites que l’origine du problème est ce qu’on pourrait appeler « La maladie d’Alzheimer Managériale ». Cette maladie qui entraîne avec l’âge et la progression de carrière la perte progressive et irréversible des fonctions managériales et notamment de la mémoire des bons réflexes.

En effet, quand on devient manager pour la première fois, avec un peu de chance on est formé au management de son équipe. Et puis comme on a quasiment que ça en tête, on s’attache à appliquer tous les principes de management qui sont connus et qui font que le management des Hommes est fait correctement. On est centré sur son équipe, attentif à la motivation et au développement des compétences de chacun, etc. Bref, ça paraît normal de se soucier de l’Humain.

Ensuite, quand on devient manager de managers, là, dans beaucoup d’entreprises on commence à rentrer dans les « hautes sphères… », dans le cercle des dirigeants « qui ne sont pas des gonzesses », bref auprès de ceux qui ont autres choses à faire que de prendre soin des états d’âmes des uns et des pleurnicheries des autres. Et bien entendu cette indifférence, cette distance vis à vis des questions managériales a vite fait de se transformer en modèle reproduit en cascade (voire amplifié) jusqu’au manager de proximité.

  • Certains managers de proximité savent résister. Votre premier fils en sait quelque chose.
  • Certains managers de proximité ne savent pas résister. Votre deuxième fils en sait quelque chose…

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