L’agressivité en négociation : utile ou futile?

collectif Publié par Collectif

Gérer les situations de tension, déjouer les pièges des acheteurs, conditionner le rapport de forces, autant de thèmes régulièrement traités, et  à juste titre, dans les ouvrages et séminaires de négociation.
A juste titre car depuis que les acheteurs de la grande distribution ont fait école, il semblerait que pour beaucoup,  la négociation ne puisse s’envisager sans passer par un rituel « guerrier ».
Aujourd’hui, rares sont les les gens, même parmi ceux pour qui vous travaillez avec confiance depuis des années, qui ne se laissent pas emporter par la tentation de brandir plus ou moins « délicatement » ou plus ou moins « habilement », la menace de vous quitter, de réduire votre part de marché ou de vous écarter d’un projet. Ceci est parfois risible et prête plutôt à sourire… Mais ceci peut parfois également être odieux, insupportable  et la limite du « harcèlement moral ».  Dans certains secteurs d’activité, il nous arrive même d’intervenir sur le seul sujet des aspects mentaux des négociations à forts enjeux, pour aider les commerciaux à résister à la pression et leur éviter de dégoupiller en pleine séance.

Les fausses bonnes raisons qui justifient l’agressivité.


Vouloir avoir le dessus !

Nombre de négociateurs pensent qu’il est important de se montrer supérieur, de montrer qui est le chef ! Quelle absurdité.  L’objectif n’est pas de vaincre, de gagner une joute oratoire, de montrer qu’on est plus fort. L’objectif est de signer un DEAL profitable pour les deux parties.

Répéter le modèle

Mon chef m’a montré comment il négociait avec les fournisseurs… Je vais répéter le modèle du chef. Ou pire encore (et tellement fréquent), mon boss me traite mal, donc je traite mal mes fournisseurs. Il faut bien que je me défoule un peu et c’est bon pour ma santé morale de ne pas me sentir comme la seule victime.

Douter de l’autre a priori.

Nous avons du mal à voir le bien dans la stratégie de l’autre…
Nous avons une tendance à dénigrer quasiment systématiquement les concessions de la partie adverse simplement parce qu’elles ont été proposées spontanément.  Les américains appellent cela le fixed-pie bias.  Les jeux pédagogiques basés sur le fameux dilemme du prisonnier l’illustrent régulièrement.
En fait le réflexe consiste à se dire : S’il est ok pour me faire cette concession, le point ne doit pas être si important. Ou quand un négociateur adverse est heureux, c’est que nous  devons avoir perdu. (What ever is good for them is bad for us).  Nous avons tous vécu (plus ou moins bien, avec plus ou moins d’agressivité dans notre réponse) ces situations où nous venons d’offrir quelque chose qui est immédiatement considéré comme acquis et sans valeur.

Des mauvais points de référence

Des études sur la notion de risque en négociation illustrent les tendances suivantes :
•    Nous avons une tendance a limiter les risques lorsqu’il s’agit de préserver des gains potentiels,
•    Inversement, nous avons tendance à prendre plus de risques quand on envisage les pertes potentielles
Ce genre de comportements peut influencer notre comportement en négociation. Par exemple on est beaucoup plus disposé a faire des concessions et à essayer de trouver un compromis lorsqu’on est en train de négocier sur des GAINS potentiels (profits, bonus,  récompenses etc.)  mais beaucoup plus enclin a être inflexible, agressif et prêts à aller à l’impasse quand on négocie sur des PERTES potentielles.  On est plus enclin a quitter une négociation, quitte a aller au procès lorsqu’il s’agit de définir qui va être responsable pour prendre en charge des coûts, des pertes…que lorsque le même conflit porte sur les gains à partager.

Se dire qu’on est comme ça !

Il n’est pas rare que des négociateurs odieux, justifient ensuite leur comportement en disant : « C’est vrai que je suis un peu dur, mais je suis comme ça, je préfère dire les choses… ». Voilà un bel alibi pour s’accorder le droit de monter le ton pour obtenir gain de cause.

La violence, c’est pas toujours frappant, mais ça fait toujours mal.

Richard Leclerc

3 réflexes pour faire face à l’agressivité

Que faire face à des négociateurs agressifs ?
Évidemment, il s’agit de rester calme et de ne pas contribuer à l’escalade de la violence…
Une bonne alternative consiste à conserver un certain recul pour ne pas subir et rester lucide. Cette capacité à prendre cette forme de distance peut être stimulée en transformant la situation en jeu… Nous avons déjà parlé dans un autre article du grand blog de la vente de l’intérêt du jeu dans la vie professionnelle.
Eh bien pour faire face à l’agressivité, jouer peut également nous être utile…

Voici quelques exemples de jeux que vous pouvez pratiquer sans modération face aux aboyeurs agressifs.

L’anti-synchronisation.

Les techniques de synchronisation, bien connues par les commerciaux, consistent à se « caler » par rapport à son interlocuteur.  Partant de ce principe, certains vous conseilleront de lever le ton en même temps que votre client pour lui montrer qu’il ne peut pas vous traiter ainsi… L’anti-synchronisation consiste à faire exactement l’inverse. Plus votre interlocuteur est agressif, plus vous cherchez à lui renvoyer l’image de quelqu’un de sympa, de positif, qui comprend et accepte les reproches. Bien sûr, il faut le faire avec le recul nécessaire pour ne pas devenir complétement schizophrène. L’objectif est de ne rien faire, absolument rien qui puisse justifier un reproche fondé sur l’attitude, aucune réplique, juste de l’acceptation, du sourire, de l’édredon…
Vous verrez que c’est très dur de s’énerver contre quelqu’un de sympa, courtois, poli. On s’aperçoit même assez rapidement de son propre ridicule.

Présenter votre facture d’honoraires

Face aux vrais agressifs qui vous « coûtent » de l’énergie, de la tension,  bref, des moments difficiles à gérer il est parfois réconfortant de se dire qu’une facturation de votre patience vous récompensera. En effet, lorsque quelqu’un va voir un psy pour lui confier son équilibre psychologique, quel que soit le traitement, la fin de la séance se termine inévitablement par un chèque. Eh bien, au lieu de se dire « Je ne vais pas le laisser me parler comme cela, c’est inadmissible, je ne suis pas son souffre douleur, il va voir de quel bois je me chauffe… » il est certainement plus habile, plus drôle et plus rentable de  choisir d’augmenter les conditions finales du deal…  Il s’agit de changer de karma. Plus tu m’emm…. plus tu vas payer.. (au sens économique du terme)

Proposer une récréation !

Vous pouvez également, mais c’est plus dur à gérer pour l’agressif, proposer de mettre un terme à la réunion.
Il s’agit alors de dire d’un ton très calme que vous préférez ne pas continuer, ceci pour préserver les chances que les discussions puissent reprendre dans un climat serein. Le problème de cette tactique est qu’elle peut être interprétée comme une façon de  « donner une leçon » à son interlocuteur. Bien sûr il se rendra compte de son erreur, mais de là à vous pardonner de lui avoir ainsi signifier… Une tactique à mi-chemin consiste donc à proposer une pause. Quel que soit le prétexte, réel ou fictif, le fait de stopper la réunion pendant quelques minutes fera tomber la pression. Tout l’art consiste alors à bien gérer la reprise. L’idéal étant de faire table rase du passé et ré-initier le dialogue comme si l’agressivité n’avait jamais eu lieu.

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Pour finir, si vous pensez que vous ne pourrez pas toujours vous contrôler, alors ayez en tête ce fameux conseil d’un célèbre Amiral : Vous avez droit à trois colères par an, dont deux simulées… Et si vous dépassez le quota, faites-le avec talent, comme le grand Lino…


Allez, bon business à tous !

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