Et si votre Directeur Achats pouvait vous aider à mieux vendre ?

Les relations entre acheteurs et vendeurs ne sont pas toujours très simples.
Elles sont très souvent perturbées par des aprioris tenaces : Beaucoup d’acheteurs ont encore tendance à considérer tous les vendeurs comme des menteurs invétérés. De leur côté, beaucoup de vendeurs ne voient dans ce personnage qu’un obstacle, une contrainte, un point de passage malheureusement obligé…
Heureusement la réalité est différente et les acheteurs-aboyeurs que l’on rencontre encore dans certains secteurs d’activité sont de plus en plus rares. Le vrai métier d’acheteur est complexe et doit apporter beaucoup plus de valeur ajoutée à son entreprise que la seule négociation de remises supplémentaires.
Un exemple de cette valeur ajoutée est de contribuer à l’efficacité des équipes commerciales… évidemment il y a là un sujet qui intéressera tous les lecteurs du grand blog de la vente et c’est tout l’objet de cet article.
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En fait, cet article est le fruit d’une rencontre récente. J’ai eu le plaisir de croiser récemment Jean Luc PRACHE, Directeur des achats du groupe Transdev.
Quelques minutes de conversation à propos de sa vision du métier d’acheteur ont suffi à me convaincre que ses propos pouvaient vraiment nous apporter un éclairage très intéressant. Jean Luc a accepté (sans négocier de remise supplémentaire ! ) de se livrer au jeu de l’interview. Je vous laisse savourer ses réponses.
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Vous faites ce métier depuis de nombreuses années, quelles sont les grandes évolutions que vous avez pu constater ?
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Il y a une vingtaine d’années, la fonction achat était essentiellement focalisée sur la réduction des coûts. Elle héritait là d’une tradition industrielle forte. Il s’agissait d’une fonction assez technique outillée avec des ERP rigides et contraignants. Son archétype se trouvait dans le secteur automobile.
Dans les années 2000-2010 un rapprochement plus prononcé avec d’autres fonctions transverses a commencé à s’opérer, en particulier avec la finance et la qualité. L’objectif prioritaire était alors d’identifier, de contrôler la performance des achats : dans les comptes, dans les budgets et aussi impact vis-à-vis des politiques de développement durable. C’est l’époque où les Banques se dotent de fonctions achats plus solides, l’organisation Etatique aussi. C’est également l’époque où l’outillage de la fonction se modernise. Des suites logicielles plus adaptées arrivent sur le marché. Ces outils ont facilité la transition. On est alors passé d’un fonctionnement monolithique enchâssé dans les fonctions de production (type SAP) a une analyse plus fine des risques, des dépenses, du management d’un panel fournisseurs, du management des contrats, avec une grand souplesse de fonctionnement.
Aujourd’hui, les facteurs différenciant entre les entreprises sont beaucoup moins nombreux qu’avant. Même Apple n’est plus aussi original que ça… La fonction achat doit donc plus que jamais contribuer au renforcement de la différenciation de l’entreprise. Cela passe par un certain nombre de priorités :
- D’abord savoir identifier et capter le meilleur savoir-faire, les meilleures innovations des fournisseurs au bénéfice de l’entreprise et de ses offres commerciales. Et cela s’obtient rarement en mettant à genoux ses fournisseurs… En clair, avec un monde qui se complexifie, le problème, l’enjeu, est de savoir devenir le client préféré de ses fournisseurs.
- Ensuite en travaillant le plus en amont possible des offres commerciales. Si les équipes achats sont intégrées suffisamment tôt, elles peuvent travailler sur 70% des plus-values potentielles. C’est grâce à ce travail amont que les équipes commerciales pourront à leur tour se préserver une marge de manœuvre tout en étant plus compétitives tant sur le plan économique sur le plan technique. (ndlr : on parle là essentiellement de métier d’ingénierie et d’ensemblier où ce que l’on vend est en partie un assemblage de prestations internes et sous traitées).
- Enfin, en évangélisant en interne… pour faire comprendre à tous que la priorité des achats est de renforcer la compétitivité commerciale de l’entreprise et pas seulement sur les aspects financiers. Plus cette mission est comprise, plus les interactions sont nombreuses et fructueuses.
Finalement, pour résumer cette évolution, nous sommes en train de passer d’un rôle de cost-killer, expert en négociation à un rôle d’animateur de réseau, expert des marchés fournisseurs, et apporteur de valeur ajoutée. Par exemple, en donnant les moyens aux équipes commerciales de gagner plus de contrat parce que nous avons trouvé un fournisseur auquel personne n’avait pensé et qui va donner le petit plus qui va faire la différence.
OK tout ceci est fascinant mais au quotidien on rencontre quand même encore des acheteurs qui sont très loin de ces pratiques ?… non ?
Bien sûr il y a encore des secteurs qui sont très conservateurs, peut-être parce que moins concernés par ces enjeux.
A l’inverse, on notera l’évolution du comportement des acheteurs de l’automobile et, par exemple, le fait que Toyota ait par le passé noté une augmentation incroyable de ses parts de marché est sans aucun doute liée au fait qu’elle était aussi dans le même temps devenue l’entreprise préférée des fournisseurs automobile. Donc on en revient toujours à la question clé : Comment suis-je le meilleur client de mon fournisseur, et donc capable de capter le meilleur de ces fournisseurs avant les autres ?
Ça procède aussi de la maturité de l’entreprise et de ce qu’on demande à l’acheteur.
Quand une entreprise considère les acheteurs comme des cost-killers, elle obtient ce qu’elle recherche.
Pouvez-vous nous donner des astuces pour « profiler » nos interlocuteurs… A quoi reconnait ton un vrai pro du métier des achats ?
Pour rapidement identifier le niveau de votre interlocuteur, vous pouvez scanner 4 compétences ou qualités :
- Sa maîtrise du marketing achat illustré par exemple par sa connaissance du marché du fournisseur
- La palette des leviers d’achats utilisés en dehors du seul critère prix ; Massification (plus de volumes sur moins de fournisseurs), planification (optimisation des creux de production de son fournisseur), globalisation des achats (focaliser les achats de plusieurs entités ou pays sur un même fournisseur) spécification du besoin (est-ce que le demandeur interne a vraiment besoin de telle ou telle caractéristique), etc.
- L’adaptabilité au contexte et à la culture de l’entreprise et du marché fournisseur. Il n’y a pas de recette miracle. Bien sûr il y a des principes clés, mais il y a surtout des Hommes en face et il faut s’avoir s’adapter pour créer une relation. Cela passe par une vraie écoute. Écoute de l’interne, en particulier des commerciaux, et du fournisseur avec une approcher objective, constructive et bienveillante a priori.
- Du respect. L’acheteur sélectionne, c’est son rôle. Le minimum est d’expliquer à ceux qui n’ont pas été retenus les raisons de ce choix. Au-delà de la courtoise c’est aussi de l’intérêt de l’acheteur de préciser ce qui lui paraissait insuffisant, et conserver la relation pour une autre fois.
Pour finir cet entretien, si vous deviez donner un conseil à un vendeur « inquiet » qui va rencontrer pour la première fois l’acheteur de l’entreprise qu’il prospecte… que lui diriez-vous ?
Je lui dirais de changer de visualisation. Je lui dirais de considérer l’acheteur comme un appui potentiel pour faire du business, pour l’aider dans la progression de son offre ou de son approche.
Je lui dirais de laisser à ses concurrents le mauvais réflexe qui consiste à tenter de court-circuiter les achats …
Merci beaucoup pour cet éclairage passionnant.
Je suis sûr que les lecteurs assidus du grand blog de la vente auront désormais un nouveau regard, une nouvelle grille de lecture pour comprendre les enjeux des acheteurs et mieux dialoguer avec eux.
Allez, Bon business à tous !
© Halifax Consulting
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